[ Traduzione di Claudio Angelini ]
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
Jeter l’ancre un seul jour?
Ô lac! l’année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
Regarde! je viens seul m’asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s’asseoir!
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.
Un soir, t’en souvient-il? nous voguions en silence;
On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère
Laissa tomber ces mots :
«Ô temps! suspends ton vol, et vous, heures propices!
Suspendez votre cours:
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours!
«Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent;
Oubliez les heureux.
«Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m’échappe et fuit;
Je dis à cette nuit: Sois plus lente; et l’aurore
Va dissiper la nuit.
«Aimons donc, aimons donc! de l’heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons!
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive;
Il coule, et nous passons!»
Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse,
Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur,
S’envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur?
Eh quoi! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace?
Quoi! passés pour jamais! quoi! tout entiers perdus!
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus!
Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez?
Parlez: nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez?
Ô lac! rochers muets! grottes! forêt obscure!
Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir!
Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.
Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.
Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,
Tout dise: Ils ont aimé!
*
IL LAGO
Così, sempre sospinti a sponde nuove e rare
e nella notte eterna tratti senza ritorno,
nell’oceano del tempo potremo mai gettare
l’ àncora un solo giorno?
O lago! Ha terminato l’anno appena il suo volo
e a quei flutti che lei rivedere sperava,
torno a sedermi, guarda! su questa pietra, solo,
dove anche lei posava!
Muggivi allora sotto queste rocce profonde
schiantandoti così, sui fianchi flagellati,
così gettava il vento le schiumose tue onde
su quei piedi adorati.
Una sera, in silenzio vogavamo, ricordi?
Sotto il cielo, e sull’acque s’udiva il ritmo lento
dei remi che infrangevano, coi loro tonfi sordi,
dell’onde tue il concento.
D’un tratto, al mondo ignoti, sorsero degli accenti
che attutirono gli echi della sponda incantata
e la voce a me cara ( tacquero i flutti attenti )
così parlò, ispirata:
“ Propizie ore, fermatevi! Tempo devastatore,
il volo tuo trattieni!
Lasciateci godere il fugace sapore
dei giorni più sereni!
Tante anime infelici v’implorano; abbreviate
ad esse vita e noia;
per loro dileguatevi rapidi, e risparmiate
chi invece è nella gioia!
Ma inutilmente io chiedo qualche momento ancora,
fugge il tempo, e si perde;
io supplico la notte: “Va più lenta”, e l’aurora
già la notte disperde.
Amiamo, dunque, amiamo! E l’ora fuggitiva
godiamo senza indugio!
Noi passiamo, ed il tempo trascorre senza riva,
l’uomo non ha un rifugio!”
Geloso tempo, dunque i momenti d’ebbrezza,
quando sorsi di gioia a noi versa l’amore,
spariscono da noi con la stessa sveltezza
dei giorni di dolore?
Come! Non ne potremo fissare almeno un’orma?
Son passati per sempre? Perduti totalmente?
Il tempo che li ha dati, e che annulla e trasforma,
non renderà più niente?
O nulla, eternità, passato, abissi orrendi,
che cosa fate voi dei giorni che inghiottite?
Ci ridarete gli attimi estatici, stupendi
che spietati rapite?
O lago, o mute rocce, grotte, foresta oscura!
Voi che il tempo non tocca, che anzi rinnovella!
Di quella notte almeno conserva tu, o natura,
ogni memoria bella!
Sia quando posi placido, o sia fra gli uragani,
caro lago, o nel tratto delle tue amene sponde,
o nei tuoi neri abeti, o nelle rocce immani
che sovrastano l’onde!
Oppure nello zefiro che mormora, e che manca,
nel fremito che corre da riva a riva, e muore,
o nell’astro d’argento, che l’acque calme imbianca
col suo blando chiarore!
E la brezza gemente, la canna che sospira,
ogni effluvio che fluttui nel vento profumato,
tutto ciò che si sente, si vede o si respira,
tutto dica: “Hanno amato!”